5 questions sur la performance artistique avec 2boys.tv

1) Qu'est-ce qu'une performance artistique?

La performance est omniprésente. Elle se manifeste dans notre façon personnelle d’aborder les autres, les rituels quotidiens que nous observons avec ceux qui nous connaissent et les échanges que nous avons en public avec des étrangers. Les gestes, les bruits et les rythmes des corps qui interagissent, travaillent, jouent et parlent dans les espaces que nous habitons et traversons en sont. La performance canalise, étudie et explore ces énergies, et leur donne une forme qui est présentée au public en fonction d’une myriade de justifications politiques, sociologiques, esthétiques et parfois métaphysiques que l’artiste juge nécessaire d’exprimer et de montrer.

2) Est-ce qu'une performance est improvisée?

Une performance peut être une œuvre extrêmement travaillée avec des gestes d’une infinie précision qui suivent un certain ordre dans un cadre ou une mise en scène où tout est réglé dans les moindres détails. Il peut aussi s’agir d’une série d’idées ou de notions sur une façon d’aller à la rencontre du public sans que les actes à venir suivent un ordre fixe et où l’issue finale est une question de chance et de hasard. L’aboutissement sert souvent de base à ce que nous appelons l’« improvisation » et beaucoup d’artistes de scène utilisent cette technique dans leurs créations. Il y a aussi moyen de mêler les deux approches dans une œuvre, l’artiste alternant entre la grande médiatisation et la magie de l’accidentel, une approche que nous exploitons souvent. Bien entendu, il arrive – comme dans la vie – que les plans préparés avec le plus grand soin connaissent des ratés, et les spectacles sur scène obligent régulièrement l’artiste à être disposé et prêt à improviser au besoin!

3) Comment se déroule la création / la recherche d'une performance?

Il y a énormément de façons d’aborder la création et la recherche d’une nouvelle performance. Dans notre cas, nous faisons souvent du collage, c’est-à-dire que différents éléments comme le son, l’action, le texte et la scénographie sont assemblés et disposés intuitivement à l’intérieur d’un rapport spécifique à l’espace dans lequel ils seront présentés, que ce soit un théâtre, une forme numérique comme une vidéo, une installation artistique, un défilé en plein air ou toute autre représentation. Nous nous lançons dans la création uniquement lorsque nous jugeons nécessaire d’exprimer et d’explorer quelque chose en public. Nous ne faisons pas de distinction entre notre art et ce que nous vivons dans le monde; c’est en fait le profond intérêt pour les événements, les cultures et la politique d’aujourd’hui qui inspire ce que nous offrons au public sous sa forme finale.

4) En comparaison à la danse ou le théâtre, le lien avec le public est-il différent avec une performance?

Dans toute performance, peu importe la forme qu’elle prend, il est très important, selon nous, de comprendre le contexte dans lequel nous irons à la rencontre du public. Avec des formes de danse et de théâtre convenues, les spectateurs savent normalement qu’ils ont un « contrat » avec l’artiste et les interprètes; il y a un code de conduite implicite. Ce n’est pas toujours évident avec la performance, d’autant plus qu’un aspect essentiel du travail consiste souvent à remettre en question les attentes des spectateurs et à leur donner l’occasion de s’impliquer d’une façon impromptue. Nous avons appris à ne pas sous-estimer le désir qu’a le public de vivre de nouvelles expériences créatives, de se retrouver parfois en terrain inconnu, de se perdre et d’être surpris.

5) Vous présentez aussi des performances sur la scène internationale. Pouvez-vous nous raconter une de vos expériences à l'étranger qui a été extraordinaire?

Nous avons créé en 2015 une version de notre performance Corde raide (Tightrope) spécifiquement pour la Biennale de La Havane à Cuba. Cela a exigé l’intervention de nombreux collaborateurs artistiques de l’endroit et énormément de médiatisation culturelle de notre part. Ce n’était pas évident de travailler dans un endroit à ce point dépourvu de ressources, où la disparité économique entre ces gens et nous faisait parfois peine à voir. Malgré tout, la créativité incroyable de nos collaborateurs et l’échange profond à la fin ont donné lieu à une performance magique et extraordinaire.

BIOGRAPHIE

Stephen Lawson et Aaron Pollard ont fondé, en 2002, le duo artistique transdisciplinaire 2boys.tv. Ensemble, ils ont créé et produit en tournée un vaste répertoire d’œuvres de performances, de vidéos, d’installations, de cabarets multimédias épiques dans des clubs, des galeries, des théâtres et des festivals partout au Canada et à l’étranger. Ils sont les lauréats en 2009 du Prix Victor Martyn Lynch Staunton dans les arts integrés, Conseil des Arts du Canada.

Stephen Lawson est perçu comme un caméléon artistique, franchissant régulièrement les frontières définies des disciplines que ce soit le théâtre, la musique, la télévision, la radio, l’édition et la vidéo. À la fin de ses études au sein du programme d’interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada (1988), il est le cofondateur de la troupe PRIMUS (1989-1998), à Winnipeg, qui a créé et présenté en tournée de nombreuses productions originales. M. Lawson vit à Montréal depuis 2001.

Artiste du spectacle et de la vidéo de Montréal, Aaron Pollard créé et présente depuis le début des années 1990 des œuvres vidéo et des spectacles multimédias au Canada et à l’étranger. Il est diplômé de l’Emily Carr University of Art + Design (division médias) et a obtenu une maîtrise en arts visuels (médias ouverts) de l’Université Concordia. Il travaille actuellement comme directeur technique pour OBORO, laboratoire de nouveaux médias et centre d’exposition à Montréal.

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