5 questions pour développer sa pratique en arts vivants

1) Quel modèle d’accompagnement LA SERRE offre-t-elle aux artistes émergents en art vivants ?

Depuis sa création en 2015, LA SERRE accompagne des artistes émergents à travers trois différents volets : événements, artistes et ateliers. Ce petit écosystème a comme objectif de répondre à des besoins très différents des artistes en début de parcours. Les événements qu’on produit, comme le OFFTA, permettent de présenter le travail des artistes émergents locaux. On accompagne aussi certains artistes en production déléguée, de sa recherche jusqu’à sa diffusion aux niveaux local et international. Les ateliers mettent des espaces à la disposition des artistes pour développer leur projet à travers un programme de résidence. Chaque volet est imaginé pour mettre les artistes en dialogue avec une foule d’intervenants de tous les secteurs ! C’est une façon d’être présents à différentes étapes du processus artistique pour l’interroger et soutenir l’artiste dans son développement.

2) Comment développer sa pratique après la sortie des écoles ?

Allez voir tout ce qui se fait ! Même les choses qui pourraient vous rebuter ! Lorsqu’on voit beaucoup de propositions différentes, je crois que ça contribue vraiment à forger une vision artistique. Il existe aussi plusieurs plateformes pour la relève qui permettent de tester des idées : ZH festival, SOIR, Danses buissonnières, Nous sommes l’été… Ces plateformes jouent un rôle crucial dans le développement des projets ! Par contre, je crois qu’il ne faut jamais sous-estimer le travail dans une salle de répétition, à l’abri des regards. Les résidences et les laboratoires sont des moments privilégiés pour approfondir une démarche dans un contexte de safe space. À LA SERRE, on a mis sur pied l’événement VOUS ÊTES ICI/YOU ARE HERE en collaboration avec le Théâtre Aux Écuries. VEI/YAH permet à une quarantaine de diplômés des neuf écoles d’art de la région métropolitaine de venir créer une courte-forme de 10 minutes durant une résidence. C’est une semaine intensive de pur plaisir et de rencontres où les équipes prennent entièrement possession du théâtre !

3) Quel conseil donnes-tu aux artistes émergents qui veulent diffuser le plus rapidement possible ?

Prendre son temps ! C’est inévitable de vouloir présenter son travail, mais le présenter dans le mauvais contexte ou trop rapidement, ça peut être nuisible. On pense souvent à la diffusion avant même d’avoir approfondi la nature du projet. Lorsqu’on n’a pas beaucoup de moyens financiers, il faut utiliser le temps et l’espace comme des ressources. À LA SERRE, on tend vers la slow production avec les artistes. C’est-à-dire, injecter du temps dans le processus pour s’assurer que le travail de l’artiste se déploie entièrement. Dans un contexte où les artistes produisent énormément, on essaie de faire plusieurs étapes de création et de le ou la confronter à différents publics. C’est très important pour nous, parce que c’est ce qui garantit qu’une œuvre aura atteint son plein potentiel avant de rencontrer son public et qu’elle pourra continuer d’exister dans le temps.

4) Quelles motivations ont favorisés un poste de direction simple contre celui d'une codirection ?

Ça fait partie des grandes questions qu’on s’est posées dans la dernière année ! Passer d’un modèle de codirection à une direction simple, c’est une façon de solidifier le modèle collaboratif de LA SERRE en renforçant le rôle des membres de l’équipe et en créant des mécanismes qui vont en assurer le renouvellement. Après que Jasmine nous ait annoncé son départ l’automne dernier, on s’est réellement demandé ce qui manquait au sein de LA SERRE. Il est apparu assez clair que deux postes devaient être ajoutés au sein de l’organisme : une direction administrative et une ou un dramaturge. La direction administrative permet une consolidation de l’organisme tandis que le rôle de dramaturge accompagne les artistes en profondeur dans l’élaboration de leur projet. On souhaite vraiment que quelqu’un ait comme tâche principale de nourrir le travail des artistes. LA SERRE est une plateforme résiliente et un miroir de sa communauté ! On a donc aussi mis sur pied un mécanisme qui permet de préserver cette agilité et d’assurer un renouvellement au sein de l’organisme : un mandat fixe. La direction est ainsi nommée pour une période de quatre ans et ne peut renouveler son mandat que pour un autre quatre ans. C’est une façon pour nous de lancer une invitation à imaginer et éventuellement proposer une vision singulière pour LA SERRE !

5) Que souhaites-tu au milieu des arts vivants pour 2019 ?

Je nous souhaite une curiosité insatiable. Je crois que la curiosité est une caractéristique qui manque crucialement en ce moment dans de nos sociétés polarisées. Elle nous pousse à rencontrer l’autre et à altérer notre perception du monde. Elle nous ouvre à l’inattendu, au dialogue. Elle est notre désir de savoir, de connaître. Ça peut parfois être inconfortable, mais ça m’apparait essentiel aujourd’hui. Parfois, face à la surcharge d’informations, on a comme reflexe de se retourner vers ce qu’on connaît et ça créé des silos. Je crois qu’il faut se sortir de cette zone de confort et regarder ce qui se fait non seulement dans le domaine artistique, mais aussi dans d’autres secteurs. Pour moi, l’unique façon de mieux saisir ce qui nous entoure, c’est de cultiver et de nourrir cette curiosité !

Biographie

Vincent de Repentigny — Directeur artistique et général

Diplômé du programme de production de l’École nationale de théâtre du Canada, Vincent de Repentigny devient, en décembre 2013, codirecteur du OFFTA, festival d’arts vivants montréalais. En 2015, il copilote la refonte de l’organisme qui devient alors LA SERRE – arts vivants en élargissant ses activités. LA SERRE a comme mission de soutenir des artistes émergents dans la création, la production et le rayonnement d’œuvres signifiantes et évocatrices. En 2019, suite au départ de Jasmine Catudal, il est nommé Directeur artistique et général et poursuit la mission de l’organisme en consolidant son fonctionnement et en renforçant son modèle d’accompagnement artistique. Vincent est également un des récipiendaires du Fellowship Quebec 2019-2021 de l’International Society for Performing Arts (ISPA).

Auparavant, il a codirigé avec Julien Brun, entre 2011 et 2013, la compagnie suisso-québécoise insanë. Ils créent ensemble plusieurs projets dont Dieu est un DJ de l’auteur Falk Richter en téléprésence entre Genève (Mapping festival) et Montréal (Société des arts technologiques). Il a également cofondé l’espace de résidence pour artistes émergents Van Horne Station (VHS) en 2013 et assuré en 2015 la direction de production de l’événement Ailleurs en Folie - Montréal/Québec présenté dans le cadre de Mons, Capitale européenne de la culture (Belgique). Parallèlement, Vincent a collaboré avec de nombreux artistes à titre de metteur en scène, d’assistant à la mise en scène, de concepteur lumière et de concepteur vidéo.

Crédit photo de Vincent de Repentigny : Karyne Doucet-Larouche.

Artère, pour la relève artistique Montréalaise